La méthode

La Méthode Boenninghausen

Il n’y a pas stricto sensu de méthode propre à Boenninghausen. C’est de fait celle de Hahnemann: la méthode inductive. A partir de la collection des symptômes d’un remède, induire l’ensemble des propriétés de celui-ci par la lecture laborieuse de ses symptômes ligne à ligne. Il se forme alors une image mentale archétypale du remède, fugace, dont la composante essentielle est le « génie » du remède. Boenninghausen a eu le mérite de faire ce travail de manière systématique pour chacun des remèdes suffisamment connus de son époque, et de matérialiser cette image en plaçant le remède avec un degré compris entre 1 et 4 dans un système de rubriques bien choisies. Le génie du remède se trouve dispersé dans le répertoire. Le Manuel de Thérapeutique Homéopatique. Un véritable exploit intellectuel ! En vérité le répertoire n’est pas construit à partir des symptômes essentiels ou caractéristiques seulement, mais de tous les symptômes de la matière médicale selon le traducteur de la première édition le Dr Roth1.

Il s’agit d’un répertoire singulier du fait que ses rubriques ne sont pas les symptômes-mêmes recueillis dans les pathogénésies et l’expérience clinique connues mais seulement des éléments de ces symptômes. Des symptômes qui, pour la plupart, ont été découpés de manière quasi mathématique en leurs éléments constitutifs: Localisation(s), Sensation(s), Modalité(s). Localisations au sens large puisque les fonctions psychiques sont aussi considérées comme des localisations. Sensations au sens large car elles incluent douleurs et états morbides.

A partir de la collection des symptômes purs et cliniques d’un remède, il reste alors à compter dans combien de symptômes différents apparaissent ces éléments de symptôme(s) et attribuer à chaque élément un degré 1, 2, 3 ou 4 selon sa fréquence de répétition et surtout la variété des symptômes2 dans lesquels il apparaît. Plus facile à  dire qu’à faire et personne aujourd’hui ne peut dire exactement quels critères Boenninghausen a utilisé pour déterminer ce degré. Il reste très vague sur le sujet dans sa préface de l’ouvrage (page XVI). Et contrairement à une idée répandue les degrés 1 et 2 ne sont pas réservés aux symptômes purs et les degrés 3 et 4 à la confirmation clinique3

Pourquoi découper ainsi les symptômes ? Pour, par la suite, permettre de construire des symptômes virtuels, en combinant pour un remède préalablement sélectionné, une localisation, une sensation et une modalité; et compléter ainsi la Matière Médicale. Car la Matière Médicale, celle de Hahnemann en premier lieu, et toutes celles qui ont été publiées après elle, symptômes purs et cliniques réunis, tout cela est loin de donner une liste exhaustive de tous les symptômes que les remèdes peuvent produire chez une personne saine et guérir chez un patient. D’ailleurs on peut se demander si arriver à une telle liste de tous les symptômes possibles est une idée qui a du sens.

En vérité Boenninghausen a mis au point un système probabiliste, sans savoir que le 20ème siècle verrait l’explosion des probabilités dans la plupart des domaines scientifiques. Au niveau de l’infiniment petit, la physique quantique découvre un univers qui, de par sa nature et à tous les niveaux, est « flou »; ainsi aucune grandeur physique ne peut être déterminée absolument (principe d’incertitude de Heisenberg). Tout est probabilités. De nos jours la Théorie des Probabilités est devenue incontournable aussi en Biologie, Médecine, Economie, Météorologie, Théorie des Jeux, etc.

Boenninghausen dans la préface de son Manuel exprime ainsi son pressentiment4:

« … j’ouvrais une voie dans le vaste champ, encore inexploré, de la combinaison ».

A vrai dire la notion de probabilité existait déjà, 5 et Boenninghausen utilise le terme de « combinaison » à dessein. Mais sortir cette notion des mathématiques pures et l’appliquer à une autre discipline, il y a un fossé qui fait de l’auteur de ce répertoire un précurseur de son temps.

Son répertoire fournit un ensemble de possibilités de symptômes par la combinaison de ses éléments. Il contient ainsi, en premier lieu, tous les symptômes purs et cliniques qui ont servi à le construire, plus ceux, bien plus nombreux, donnés par la combinatoire. En conséquence l’utilisation du répertoire met en exergue, de manière quasi mécanique, les remèdes les plus aptes à posséder le symptôme particulier que présente le patient.

Le Dr Georges Demangeat, auquel on doit par ailleurs le remarquable ouvrage « Conférences d’Homéopathie »6 à l’origine d’un élan de conversion à l’uniscime chez les homéopathes français, va même plus loin dans sa préface du Manuel réédité en 1990 par les éditions Similia:

« Cependant reposant sur la technique de Boenninghausen qui assure avec une quasi-certitude la détermination du “bon remède”, cet ouvrage est en tous points complet, moderne et remarquable. »7

Avec une feuille de papier et un crayon ce travail de répertorisation est bien souvent une opération laborieuse mais avec l’outil informatique et une bonne dose de code derrière votre interface logiciel, l’homéopathe peut se concentrer sur son patient et la sélection des bonnes rubriques.

Avec ce répertoire d’une grande précision, un mauvais choix de rubrique peut facilement reléguer le “bon” remède hors du peloton de tête. D’où l’importance de savoir exactement quel est le symptôme de votre patient et quelles rubriques du répertoire sélectionner. Il y a beaucoup de rubriques se distinguant seulement par une nuance8. Samuel Hahnemann conseille lors de la prise d’un cas (Organon §82-104) de noter en premier lieu exactement les expressions employées par le patient (§84) mais après avoir laissé parler le patient, de procéder à une détermination plus précise de chaque symptôme (§86); cela signifie qu’il ne faut pas s’en remettre aux termes employés par le patient et l’interroger pour identifier avec précision chaque symptôme. Le Dr Carroll Dunham (1828-1877), dans son article « Symptoms, their study; or, how to take a case »9 traite ce sujet très largement en insistant sur la distinction qui doit être faite entre ce qui est objectif et subjectif. Il fait la liste des divers facteurs qui peuvent être chez un patient à l’origine de symptômes subjectifs10 erronés. La détermination exacte des symptômes est essentielle lors de l’utilisation du Manuel. D’autant plus importante que les rubriques correspondantes sont de “grosses” rubriques et que l’on est en situation de devoir s’en contenter. C’est là que le caractère probabiliste du répertoire joue un rôle majeur.

 

Quelques hypothèses sur la valeur des degrés

Il faut faire une distinction globale entre les remèdes de degré bas 1-2 et les remèdes de degré haut 3-4.11

  • Une localisation avec un degré 3 ou 4 signifie que cette localisation apparaît dans la Matière Médicale en combinaison avec un grand ou très grand nombre de sensations et de modalités différentes.
  • Une sensation avec un degré 3 ou 4 signifie que cette sensation apparaît dans la Matière Médicale en combinaison avec un grand ou très grand nombre de localisations et de modalités différentes.
  • Une modalité avec un degré 3 ou 4 signifie que cette modalité apparaît dans la Matière Médicale en combinaison avec un grand ou très grand nombre de localisations et de sensations différentes.
  • Une localisation, sensation ou modalité avec un degré 1 ou 2 signifie que cet élément de symptôme n’apparaît a priori dans la Matière Médicale que dans un symptôme complet ou deux symptômes complets12 différents.

En résumé, avec les degrés 3 et 4 on peut, avec une certaine assurance, construire des symptômes virtuels, mais avec les degrés 1 et 2 on ne peut pas. On parlera même de contre-indication lorsqu’une rubrique placée dans la grille de répertorisation a un degré bas et sa contre-rubrique un degré haut. C’est une contre-indication relative et pas absolue. La différence de polarité des deux rubriques est alors négative et sa prise en compte lors de la répertorisation fait perdre des places au remède considéré dans la grille de répertorisation. Les degrés 1 et 2 nécessitent de consulter la Matière Médicale pour identifier les symptômes dans lesquels l’élément de symptôme en question apparaît; on ne peut pas s’en remettre à la combinatoire.

Vous trouverez un peu partout dans les publications qui prétendent expliquer la méthode Boenninghausen, que l’auteur pensait qu’une sensation trouvée localement a une valeur générale. Cette idée préconçue a causé beaucoup de tord à ce répertoire, pourtant utilisé couramment au 19ème siècle, et a fait la part belle à celui de Kent qui est venu le supplanter au 20ème siècle par une distinction plus explicite des symptômes locaux et généraux. Le caractère probabiliste du Manuel n’a pas été compris.

  1. Manuel de Boenninghausen, page XXXVII, Editions Similia, 1990
  2. La variété des symptômes n’est pas mentionnée par Boenninghausen, peut-être pour préserver le secret de fabrication du Manuel, mais rien ne nous paraît plus important pour construire un répertoire fondé sur la combinatoire. Cet aspect n’a jamais été, à notre connaissance, exposé auparavant.
  3. Il est vrai que lorsque l’on dispose de symptômes purs et cliniques, on commence par utiliser les symptômes purs, qui ont une valeur prédominante, pour déterminer le degré; puis les symptômes cliniques, en second lieu, peuvent permettre de monter le degré de un ou plusieurs points. N’avoir à sa disposition que des symptômes cliniques n’empêche pas un remède d’atteindre le degré 4 maximum. Comme le prouve la présence de rubriques correspondants à certaines pathologies avancées: « Phtisie, tuberculose pulmonaire » ou « Hydrophoblie, rage » sont des états morbides que l’expérimentation pathogénétique menée dans des conditions normales ne produira pas.
  4. Préface de l’auteur, p. XV, J.B. Baillière, 1846 / p. XLV, Similia, 1990
  5. Abraham de Moivre, Théorie de la probabilité,  1718 (wikipedia)
  6. Dr G. Demangeat, Conférences d’homéopathie, Editions Similia, 1989
  7. Dr G. Demangeat, p.VII, Editions Similia, 1990
  8. Dans sa préface du traducteur, le Dr Roth s’étonne, par exemple, de la distinction que fait Boenninghausen entre « Nausée » et « Envie de vomir »; l’observateur averti saura tirer bénéfice de la subtilité du choix des rubriques du Manuel
  9. C. Dunham, Lectures on Materia Medica, B. Jain Publishers, 2003
  10. Nous reprenons ici les termes impropres employés par Dunham en désignant  en fait par le seul terme « symptômes »  ce qu’il conviendrait plus rigoureusement de distinguer comme signes et symptômes
  11. Boenninghausen utilise en plus des degrés 1 à 4, un degré que nous pourrions qualifier de 0, correspondant aux rares remèdes apparaissant entre parenthèses dans certaines rubriques et décrits comme « douteux » par l’auteur lui-même; ils ont été volontairement omis dans la base de données
  12. Il convient de nuancer cette dernière affirmation. Prenons l’exemple de SULFUR au degré 2 dans la rubrique « III° Sensations et états morbides. 1° Parties du corps externes et internes en général. – Sensation de vide ». On pourrait s’étonner que Boenninghausen ne donne qu’un degré 2 à cette sensation si fréquemment rencontrée cliniquement. Dans la matière médicale de Hahnemann, on trouve cette sensation dans deux symptômes seulement touchant l’estomac et la poitrine. Avec une recherche plus étendue, on trouvera aussi la tête (T.F.Allen), le coeur et l’abdomen (J.H.Clarke). On a ainsi 5 localisations pour la sensation de vide de Sulfur. Mais on reste dans la catégorie des localisations internes ou organes. Boenninghausen connaissait-il ces 5 localisations ? Sulfur mérite-t-il un degré 3 ? Nous en doutons, car un degré 3 autorise la combinaison et la formation de symptômes virtuels. Ainsi la sensation de vide se verrait incorrectement associée aux autres catégories de localisations que sont muscles, articulations, glandes, os et peau.

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